De leur nom local,"arroila", il m'est resté ce surnom que m'ont collé à jamais mes intimes "arroileta".
Tout a commencé par l’article de Maryse Laffranque ,la luchonnaise, paru en juin 1973 dans la revue pyrénéenne du CAF du Sud Ouest.
Il fut le détonateur de cette soif de découverte d'autant qu'à l’époque, seuls les spéléos dont je faisais partie ,possédaient les techniques et matériels pour affronter ce genre de difficultés.
Amateur de gouffres dans les réseaux d'Arbas , du Marboré ou du Taillon, avec le GPS (groupe spéléologique des Pyrénées) de Toulouse, je ne soupçonnais même pas l'existence de ces grottes à " ciel ouvert".En même temps je découvrais ce monde des canyons aux confins de l’obscurité, du minéral, de la bryologie et des eaux souterraines.
C'est ainsi que je connus la Soule et Olhadubi sous la férule de Jacques Jolfre ,où avec plein de copains spéléos nous vécûmes des aventures homériques en leur temps,habillés des pontonnières "Hemeka" de Ruben Gomez et poussant des bateaux pneumatiques "Dinghy",les néoprènes étant rares ,chères et réservées aux élites de la plongée .
Pourtant nous n'étions pas les premiers, 70 ans auparavant Édouard Alfred Martel, le père de la spéléologie, avait aussi trainé ,dans ces ténèbres, ses brodequins ferrés et y avait poussé aussi de drôles d’échelles de corde.
Il avait exploré les canyons en remontant "Cacouete" ,"Olhaduby" et Holzarte dans leur parties basses, s'étant arrêté à chaque fois devant des chutes d'eau de plus de dix mètres.
Les gravures de Rudaux en accentuant le trait , rendaient ces lieux bien glauques, mystérieux et inhospitaliers.
Que sont donc ces canyons qui nous ont attirés ici ?
Taillés dans le fameux "calcaire des canyons" (Campanien-Turonien) (-90 à -70 MA), d’épaisseur moyenne de quelques centaines de mètres (300-500m), ils ont été façonnés par les rivières allogènes à l'époque glaciaire.
Celles ci s'engouffrant dans des sillons karstiques ont permis un creusement rapide.
En conséquence les bassins versants ont peu reculé puisque l’eau s’est évacuée en creusant sur place en taraudant le socle tertiaire.
Les prairies qui recouvrent ces bassins depuis, ont permis la colonisation humaine et 40 siècles de pastoralisme.
Le profil en "dent de scie" des canyons est typique d'une érosion dynamique qui a façonné marmites, gours, toboggans ,cascades , galerie.
Les plus remarquables sont : Arpidia, Ehujarre ( ou Uhaidjar) ,Kakueta et Holzarte-Olhadubi.
Leur largeur va du plus étroit : un mètre (Olhadibi) à deux cent mètres tout au plus en leur sommet.
Depuis ma jeunesse, des crues et des années ont coulé dans le lit d'Uhaitza (gave de Sainte Engrace) , les ouvrages de Mickey Douat, Jean François Pernette, Eric de Valicourt ont permis de recenser et décrirent l'ensemble des phénomènes et de grandes chutes de Xiberoa.
Ainsi Xiberoa est devenu une des grandes destinations européennes pour la pratique du canyonisme sportif et de difficulté.
La rando du jour.
Son but : monter avec la vue sur Ehujarre et kakueta à Lakura,Kortaplana et Binbaleta.
Aujourd'hui la randonnée partira un peu au dessus de Santa Grazi.
(Sainte Engrace : cinquième toponyme pyrénéen en ce qui concerne les noms de saints)
la route des bois d'Oillo (Heyle sur l'IGN) et de Larregorri est désormais interdite aux véhicules, il faut se résoudre à partir bien bas dans la vallée.
Qu'importe, on retrouvera là,une des composantes de la montagne à l'ancienne "la marche d'approche", histoire d'allonger de deux heures, le périple initial et de retrouver à terme les jambes des Ledormeur ,Russel et consorts.
Peu avant le ravin d'Oilloki, on se garera.
Passant sur Erreginaneko zubia (ponts des reines) on jettera un œil avisé ou anxieux dans le canyon , avant d'attaquer la croupe d'Erreginaga (à l'altitude 790m) qui nous mènera jusqu'à Oillogaina (1690m).
Il s'agit au départ d'un tir à bois, mais nous couperons des pistes transversales usitées ou non. Nous croiserons au passage le cayolar d'Haizexarria dont les alentours ont fait l'objet de travaux de captage d'eau.
Le toponyme Oilloa créé une discussion intense au sein de notre groupe.
Il en résulte qu'il pourrait s'agir là (hors la référence trop évidente au gallinacée poulet) du vieux mot basque précédent Oihana pour désigner la forêt.On le retrouve dans les toponymes Oillarburu ,Oillarzun.....
Le mot ici, trouverait tout son sens, tant la belle futaie de hêtres et de sapins que nous venons de traverser ,nous rappelle les colonnes d'un temple grec.
Au faite d'Oillogaina les premières cimes enneigées apparaissent.
La série autour d’Auñamendi, celles de Linza ou de Zuriza, les lointaines sierras de Garde ou de Kakueta la navarraise, Baigura d'Urralgoiti, et les cimes familières d'Iparralde : Autza ,Larrun et Irumugarrieta (trois couronnes).
Nous aurions pu en rester là.
Lakura (Laküa pour les Xiberotarrrak) à un jet de pierre nous offrait la vue sur Belagoa et Txamanxoia en plus.
La crête d'Hutsarte a l'avantage d'être un parcours aérien avec vue plongeante sur les canyons d'Ehujarre et Kakueta.
Un vrai régal. Le cache-cache des cumulus et du soleil nous offrit une variété de bleu toute la journée.
Pas étonnant que la symbolique lui attribue un rôle de lien entre la terre et le ciel, la vie ordinaire et le spirituel.
Avant d'attaquer la dernière pente du Laküa, au passage du col d'Ihizkundize, on peut prendre le sentier à flanc qui rejoint le col de Ste Engrace ou de Kortaplana vers la borne 255.
En moins de vingt minutes on avalera l'ultime montée dans les poudingues pour arriver au buzon (boite aux lettres sommitale) du pic à 1877m.
Un repas frugal, des discussions animées, puis la marche continue au plus près de la crête de Kortaplana jusqu'à Binbaleta.
Au passage, le menhir du col de Kortaplana ou de Ste Engrâce nous rappelle qu’il est aussi un jalon sur le chemin Izaba-Santa Grazi.
Il sert aussi de borne frontière.
Son numéro 255 est effacé par les bêtes qui viennent s'y frotter dessus.
Mais dans l'autre sens, par temps de brouillard ou de neige, il indiquait aux passeurs, aux "hirondelles du Ronkal" les fameuses "ainarak", aux contrebandiers et aux marchands ,l’endroit précis où il fallait s'engager sous les flancs du Lakura pour gagner la gorge d'Ehujarre ,synonyme du retour dans la vallée, ou si l'on passait en Navarra, le début d'Ardibidegaina le sentier mythique de la rive droite de la vallée de Belagoa.
Hommes, ovins et ours passent ici dans les mêmes traces,depuis le néolithique.
Plus bas le col d'Urdaite permet aussi le passage vers Kakueta et Zardai Zilo.
Le sentier à travers les schistes est plus mal aisé surtout par temps humide ce qui n'est pas rare dans le coin.
(Pluviométrie souletine 2200 mm par an).
Profitant du beau temps, nous suivons la ligne frontière jusqu'au sommet de Binbaleta qu'il faudra atteindre par un petit couloir raide où l'on posera les mains. (Pas de II).On peut faire plus facile en empruntant le GR11 et le col de Binbaleta.
Les plus courageux commencent déjà la montée sur Kartxila pour 300m de dénivelé supplémentaire.
Pendant le retour tranquille sur Ezkantola et Axura , nous observerons quelques fleurs rares type saxifrage oppositifolia, jasione pygmée ou grassette "pinguicula vulgaris" voire un champ de jonquilles tardives.
Le groupe est maintenant réuni au cayolar d'Aiheska pour entamer la traversée des pentes exposées de Lepoxine.Là aussi, kasu, par temps humide.
Une chute pourrait y être fatale.
Nous atteignons le fond de Kakueta au cayolar ruiné de Zardai Ziloa et c'est le retour sur la rive gauche de Larregorri ko erreka par les bois Ihizkundizeko (+ 270m).
Le cayolar de Larregorri est en vue. Il faut alors se coltiner 6 km de route caillouteuse et quelques six cent mètres de descente pour retrouver les voitures, symbole d'une gueuse de la vallée (Akerbeltz) bien méritée au bar Bürgübürü du quartier Senta.
Odométrie ; marche 7h20 sans les arrêts , 23.5 km, 1970m de dénivelé (300m de plus pour Kartxila)
canyon d'Oilloki au pont des Reines.
marcheur sur la crête de Kortaplana ,derrière Xardekagaina , Orimendi et Irati (Eskalerak)
Col de Ste Engrace ou de Kortaplana-vue sur Binbaleta,Keleta,Xardeka
menhir de Kortaplana et BF 255
col d'Urdaite
au pied de Binbaleta
arrivée à Binbaleta par le couloir (photo Erregelu)
"buzon" de Binbaleta
2 panoramas vers l'Est
descente vers Ezkantola
saxifrage oppositifolia-en dessous globulaire à tige nue
jiasone pygmée
hépathique trilobée
grassette pinguicula vulgaris
carline artichaut (ou artixo)
champ de jonquilles
Ezkantola et sa source : la meilleure de Binbaleta
dans l'intimité du cayolar souletin
les pentes abruptes de Lepoxine
méthode qu'employa EA Martel pour remonter le canyon de Cacuette
dessin de Rudaux
(ouvrage La France Ignorée 1928- propriété de la maison Arroileta )
cayolar de Larregorri : ultime remontée avant le retour sur Santa Grazi
l'abbaye du XI de Sainte Engrace des Ports (Santa Grazi) et son toit en bardeaux de châtaigniers.
Aujourd'hui les anciens bâtiments des moines ont disparu.
6 commentaires:
Suuuuuuuuuuuuuuuuuper!
Miiiiiiiiiiiiiilesker Bernard!
Artixo
maravilloso!!!!!bravo les montagnards,paysages et comment aires digne d'un grand reporter,on en redemande,SZ de CASTELNOU
RANDO DE PROFESSIONNEL.RANDO DIGNE DE CE NOM LA QUALITE N'EST PAS FORCEMENT LA QUANTITé a signaler a certaines associations pour ameliorer leur"COPIE"!!!!et parler vrai
Très intéressant et belles photos.
Vous mentionnez le toponyme " Uhaidjar " pour Ehujarre. S'agit-il d'une prononciation locale ou d'une interprétation que vous en faîtes ?
http://lapurdum.revues.org/1837
pour l'explication de certains noms basques dont ehujarre et leur déformation soit par les usages soit par les géographes
cet article de txomin peillen est venu à pont.
dommage je ne l'ai trouvé qu'un peu tard.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k63664084/f107.image.r=IRATI.langFR
eHUJARRE nommé par le grand EA martel
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